Récemment, pendant que je m’entrainais dans une salle de Gold’s Gym à Latham, New York, un homme nommé Chad Brothers, 32 ans, décrit comme un “gentil géant” par sa famille, aurait ‘pété les plombs’, renversant des appareils de musculation, jetant des haltères, et agressant le patron. Après avoir été tasé de nombreuses fois par les policiers ( il aurait même pris le pistolet Taser d’un officier et utilisé sur lui-même), il a subi une attaque cardiaque une heure plus tard et en est mort. Brothers était un homme à la carrure imposante, de plus d’1m,85 et pesant environs 108kg , il s’entrainait dans une salle de gym, et les rapports de toxicologie ont apparemment trouvé des stéroïdes anabolisants dans son sang.
Le bureau du procureur local a annoncé que le saccage spontané et non provoqué de Brother était un cas de Syndrome du Délire Aigu (SDA). Le SDA est généralement caractérisé par une température corporelle extrêmement élevée, une perte de contact avec la réalité, une perte de contrôle agressive et un comportement agité, une force surhumaine et une réticence à faire marche arrière même face à un nombre écrasant d’adversaires (par ex., Grant, Southall, Mealey, Scott, & Fowler, 2009; Vilke, Payne-James, & Karch 2012). Il n’est pas surprenant que ceux qui souffrent du syndrome se voient souvent soumis par des mesures physiques ou électriques par les forces de l’ordre (Grant et al., 2009). La cause de décès chez les personnes qui présentent un SDA est généralement cardiaque, et il a été suggéré de manière plausible que le syndrome est le résultat d’une activité extrême de catécholamine, par ex., adrénergique (par ex.,Otahbachi, Cevik, Bagdure, & Nugent, 2010). Conformément à cette ‘’surexcitation” du système nerveux sympathique, le SDA est souvent lié à l’abus de stimulants. En réalité, la recherche de sympathomimétiques (médicaments qui stimulent le système nerveux sympathique) dans le sang a toujours été utilisée pour le diagnostic du SDA après des saccages mortels comme celui de Brothers (Vilke et al., 2012). Les produits qui ont été liés à la survenue de ce syndrome comprennent la cocaïne (le plus souvent), la méthamphétamine, le diéthylamide de l’acide lysergique, et la phencyclidine (PCP) (par ex., Sztajnkrycer & Baez, 2005; Takeuchia, Ahern, & Henderson, 2011). En fait, les effets indésirables du PCP «… agitation, comportements violents, délires paranoïdes, désorientation, délire, hallucinations et … (p. 658; deRoux, Sgarlato, & Marker, 2011)” ont conduit à son abandon en tant qu’anesthésique.
Le journal Albany Times-Union a couvert le saccage de Chad Brothers avec le titre: «Selon les sources officielles, l’homme avait des stéroïdes dans le sang” (http://www.timesunion.com/local/article/Officials-Man-had-steroids-in-system-2390621.php).Le porte-parole du procureur a cité que le SDA est “une condition qui peut résulter de l’utilisation de stéroïdes.”
S’agit-il d’un cas ‘aussitôt ouvert, aussitôt fermés’ d’agression induite par des stéroïdes; l’infâme ‘rage des stéroïdes’? Est-ce les stéroïdes qui ont causé le SDA de Brothers? Bien que certains experts affirment que si la ‘rage des stéroïdes’ existe, elle se produit rarement et seulement chez un petit nombre de personnes prédisposées qui utilisent des stéroïdes (p. 60; Yesalis & Cowart), nous ne saurons probablement jamais avec certitude quel impact l’utilisation évidente de stéroïdes par cet homme pourrait avoir eu dans cet incident tragique. Le comportement humain est généralement trop complexe pour en conclure une cause unique, bien que les explications simples soient souvent beaucoup plus attrayantes. Comme nous avons pu le constater auparavant dans de tels cas (par ex., Chris Benoit, David Jacobs), blâmer uniquement les stéroïdes pour une tragédie plutôt que de présenter un plus ample exposé des autres facteurs possibles, est un moyen pratique utilisé pour dramatiser les informations.
Il n’existe aucune preuve directe de cause à effet ou de documentation reliant les stéroïdes au SDA. Mais cela n’empêche pas les médias d’accepter rapidement des conclusions impulsives. Le Times-Union a pris comme source le Procureur du district, sans vérifier les faits indépendamment. Il convient de noter que ce procureur est le même politicien controversé d’Albany qui a fait la une des journaux nationaux par ses enquêtes anti-stéroïdes sur les médecins et les pharmacies situées en Floride. Candidat à la réélection l’année prochaine, il fait actuellement face à un opposant démocrate qui a critiqué sa croisade anti-stéroïdes démagogique contre les entreprises situées bien au-delà des frontières de son état et ayant peu de liens à New York.
Si le journal avait mené une enquête même minime, il aurait appris un fait essentiel: le PCP – plus connu sous le nom de ‘Angel Dust’ (Poussière d’Ange) – a également été trouvé dans le sang de Brothers. Il aurait aussi appris qu’un homme ayant un Indice de Masse Corporelle comme celui de Brothers (31) aurait un risque accru de SDA fatal (Park, Korn, & Henderson, 2001). Si le Times-Union avait appris ces choses, il aurait pu en informer le public. Bien qu’à ce stade, nous ne savons pas combien de PCP a été trouvé dans le sang de Brothers (nous ne savons pas quels types et quantités de stéroïdes ont été trouvés), le fait est que la science relie le PCP au SDA (par ex., Takeuchi et al., 2011) . De plus, un cas fatal similaire de SDA s’était produit dans le Michigan seulement un mois auparavant. Bradford Gibson, 35 ans, est également mort après avoir été tasé par la police, les rapports d’autopsie ont montré qu’il avait du PCP dans le sang.
(http://blogs.phoenixnewtimes.com/valleyfever/2011/12/taser_off_the_hook_for_two_dea.php).
La relation entre l’utilisation de ces “Dispositifs de Contrôle Electroniques” et le SDA reste un sujet d’enquête (par ex., Jauchem, 2011).
On aimerait penser qu’il n’y avait aucune intention délictueuse ou de complicité entre le Times-Union et le procureur pour avoir trié sur le volet les faits à inclure dans le rapport, même si des journalistes du Times-Union ont eu un partenariat virtuel avec le bureau de presse du procureur dans la diffusion d’informations auprès du public sur l’enquête de la lutte anti-stéroïde. On aimerait aussi penser que l’essence de ces enquêtes, que ce soit de la part du procureur ou des journalistes, c’est le désir de connaître la vérité, pour comprendre ce qui s’est réellement passé et pourquoi. Mais il est difficile de ne pas être sceptique lorsque l’objectif semble être la manipulation, plutôt que la connaissance. Encore une fois, les médias ont manqué à leur obligation de rendre compte de faits importants ou d’aider le public à comprendre, en choisissant plutôt de s’en remettre aveuglément à des sources qui sont pourtant loin d’être objectives.
Le rôle des médias semble être passé d’un devoir de présenter et d’évaluer les informations, à celui de transmettre simplement ce que disent les autres comme un fait. Le public a été induit en erreur en pensant que la seule cause possible de la tuerie était les stéroïdes. Et si ce n’était pour d’autres sources d’information, le public n’en aurait jamais été informé.
Au milieu d’une telle abrogation du devoir, est-il étonnant que le public panique? Cette situation désolante a lieu lorsqu’ “… une condition, un épisode, une personne ou un groupe de personnes se détache d’un ensemble pour devenir défini comme une étant une menace pour les valeurs et les intérêts de la société; sa nature est présentée d’une façon stéréotypée par les médias, les limites morales étant gérées par les éditeurs, les évêques, les politiciens et autres bien-pensants (p. 9; Cohen, 1972) “. Avec des unes sur les stéroïdes comme celle-ci, et les rapports concernant les stéroïdes en général, est-ce que les médias traditionnels servent de rempart contre une telle panique … ou de catalyseur?
References
Cohen, S. (1972). Folk devils and moral panics: The creation of the mods and rockers. London: MacGibbon & Kee Ltd.
deRoux, S.J., Sgarlato, A, & Marker, E. (2011). Phencyclidine: A 5-Year retrospective review from the New York City Medical Examiner’s Office. Journal of Forensic Sciences, 56, 656-659.
Grant, J.R., Southall, P.E., Mealey, J., Scott, S.R., & Fowler, D.R. (2009). Excited delirium deaths in custody: Past and present. The American Journal of Forensic Medicine and Pathology, 30, 1-5.
Jauchem, J.R. (2011). Pathophysiologic changes due to TASER devices versus excited delirium: Potential relevance to deaths-in-custody? Journal of Forensic and Leal Medicine, 18, 145-153.
Otahbachi, M., Cevik, C., Bagdure, S., & Nugent, K. (2010). Excited delirium, restraints, and unexpected death: A review of the pathogenesis. American Journal of Forensic Medicine and Pathology, 31, 107-112.
Park, K.S., Korn, C.S., & Henderson, S.O. (2001). Agitated delirium and sudden death: Two case reports. Prehospital Emergency Care, 5, 214-216.
Sztajnkrycer, M.D., & Baez, A.A. (2005). Cocaine, excited delirium and sudden unexpected death. Emergency Medical Services, 34, 77-81.
Takeuchi, A., Ahern, T.L., & Henderson, S.O. (2011). Excited delirium. Western Journal of Emergency Medicine, 12, 77-83.
Vilke, G.M., Payne-James, J., & Karch, S.B. (2012). Excited delirium syndrome (EDS): Redefining an old diagnosis. Journal of Forensic and Legal Medicine, 19, 7-11.
Yesalis, C.E., & Cowart, V.S. (1998). The Steroids Game. Champaign: Human Kinetics.
Article original publié le 23 DECEMBRE 2011, PAR JACK DARKES © Darkes and Collins, 2011
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