jonedow
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Je viens de tomber sur cette article par hasard,
alors je partage car il me semble complet (et super intéressent pour ma part).
!Attention C'est un peu long.
1ère partie)
Bo Nash a 38 ans. Il vit à Arlington, au Texas, où il est cadre chez un éditeur de manuels scolaires. Il mesure 1,80m et pèse 111 kilos, ce qui signifie qu’il est techniquement obèse.
Afin de perdre du poids, Bo utilise une application qui compte les calories qu’il ingère, et un bracelet Fitbit qui mesure l’énergie qu’il dépense. Ces outils semblent a priori assez précis : Bo peut ainsi connaître les calories contenus dans chaque biscuit qu’il avale, et celles qu’il brûle en montant les escaliers. Mais en termes de poids, il s’est aperçu que toutes les calories ne se valaient pas. Ses prises ou pertes de poids semblent moins dépendre du nombre total de calories que de leur nature, de leur provenance ou de la manière dont il les ingère. L’unité d’énergie, dit-il est « extrêmement vague. »
Tara Haelle est elle aussi obèse. Elle a accouché de son deuxième enfant le jour de la Saint Patrick en 2014, et elle n’a jamais réussi à reperdre les 30 kilos qu’elle avait pris pendant sa grossesse. Tara est journaliste scientifique freelance, et vit dans l’Illinois. Elle comprend comment fonctionne, en théorie, la perte de poids, mais à l’instar de Bo, elle ne voit pas la théorie se traduire en pratique. « Mathématiquement et scientifiquement, tout cela est assez logique : ce que vous absorbez, en termes de calories, ne doit pas excéder ce que vous dépensez. Mais on dirait bien que ça ne marche pas vraiment comme ça », dit-elle.
Notre foi aveugle en cette unité de mesure apparemment simple nous empêche peut-être bien de lutter efficacement contre l’obésité
Bo et Tara ne sont pas vraiment des exceptions : plus de deux tiers des Américains adultes sont en surpoids ou obèses. Pour la plupart d’entre eux, la solution, c’est le régime : un tiers des Américains s’y soumettent. Pourtant, tout indique que les régimes aboutissement rarement à une perte de poids durable. Et cela coûte cher. Cette incapacité à faire baisser le taux d’obésité coûte aux Etats-Unis plus de 147 milliards de dollars en soins de santé, et 4,3 milliards de dollars en termes d’absentéisme et de baisse de productivité.
Au cœur du problème, une unité de mesure – la calorie – et un peu d’arithmétique élémentaire. « Pour perdre du poids, vous devez brûler plus de calories que vous n’en absorbez », selon le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies. Des personnes au régime comme Bo et Tara pourraient tout à fait manger tous les jours chez McDonald’s et quand même perdre du poids, pour peu qu’elles fassent suffisamment d’exercice, affirme Marion Nestle, professeur de nutrition et de santé publique à l’université de New York. « Vraiment, c’est aussi simple que ça. »
Mais Bo et Tara ne sont pas franchement convaincus que ce soit si simple. Et ce n’est pas qu’une question de self-control individuel. Les chiffres qui apparaissent sur le bracelet Fitbit de Bo ou sur les emballages des produits consommés par Tara n’ont rien de précis. Plus inquiétant : les scientifiques s’aperçoivent que, de plus en plus souvent, les quantités de calories que nous mesurons sont totalement erronées. Une calorie n’est pas juste une calorie. Et notre foi aveugle en cette unité de mesure apparemment simple nous empêche peut-être bien de lutter efficacement contre l’obésité.
Pour mieux comprendre comment on compte les calories, il faut faire un tour dans un quartier de bureaux tout à fait banal au beau milieu du Maryland. C’est là que se trouve le Centre de recherches sur l’alimentation humaine de Beltsville, qui appartient au Département de l’Agriculture des Etats-Unis. Au moment où nous arrivons, les cuisiniers sont en train de préparer le dîner pour les participants d’une étude. Sur chaque plateau de plastique, on trouve du pain de viande, de la purée, du maïs, un peu de pain, un scone aux pépites de chocolat, un yaourt à la vanille et une canette de jus de tomate. Le staff pèse et emballe chaque produit, rajoutant parfois un peu de pain par-ci par-là pour s’assurer que chaque plateau contient exactement autant de calories. « Parfois, on reçoit des compliments pour la nourriture », assure David Baer, un physiologiste du Département chargé de superviser les recherches.
Le travail mené par Baer et ses collègues s’appuie sur des méthodes vieilles de plusieurs siècles. Selon Nestle, les tentatives modernes de comprendre la nourriture et l’énergie remontent à Lavoisier, un chimiste et aristocrate français. Au début des années 1780, Lavoisier avait construit une boîte en métal assez grande pour accueillir un cochon d’Inde. Les parois internes de la boîte étaient couvertes de glace. Lavoisier savait quelle quantité d’énergie était nécessaire pour faire fondre la glace, ce qui lui permettait de déterminer la quantité de chaleur produite par l’animal en mesurant la quantité d’eau qui s’écoulait de la boîte. Hélas, ce que Lavoisier n’avait pas réalisé – et ne peut jamais réaliser, puisqu’il fut guillotiné pendant la Révolution – c’est qu’en mesurant la chaleur émise par les cochons d’Inde, on pouvait aussi estimer la quantité d’énergie qu’ils avaient tirée de leur alimentation.
Jusqu’à récemment, les chercheurs de Beltsville utilisaient une version un peu plus moderne et un peu plus grande de la boîte de Lavoisier pour mesurer l’énergie consommée par les humains : une petite pièce à l’intérieure de laquelle une personne pouvait dormir, manger, faire ses besoins, et marcher sur un tapis roulant, alors que des capteurs installés dans les murs mesuraient la chaleur dégagée et donc les calories brûlées (pour faire simple, une calorie équivaut à la chaleur nécessaire pour faire augmenter d’un degré la température d’un kilogramme d’eau). Aujourd’hui, ces calorimètres à « chaleur directe » ont été remplacés presque partout par des systèmes à « chaleur indirecte », où les capteurs mesurent la consommation d’oxygène et expiration de dioxyde de carbone. Les scientifiques savent quelle quantité d’énergie est utilisée au cours des processus métaboliques dont est issu le dioxyde de carbone que nous expirons, donc ils peuvent par exemple en déduire qu’une personne qui a expiré 15 litres de dioxyde de carbone a consommé 94 calories d’énergie.
Les trois calorimètres indirects que possède le service sont situés au bout du hall qui mène à la cuisine. « En gros, ce sont de simples chambres froides, modifiées pour que des gens puissent y vivre », m’explique le physiologiste William Rumpler alors qu’il nous fait visiter. À l’intérieur de chaque pièce peinte en blanc, on trouve un lit simple collé contre un mur, jouxté d’une cuvette de toilettes, d’un évier, d’un petit bureau pourvu d’une chaise, et un court tapis roulant. Deux sas permettent de faire passer de la nourriture, de l’urine, des excréments ou des échantillons de sang dans les deux sens. Si l’on excepte ces rappels permanents de la fonction de la pièce, elle ressemble à une chambre étudiante des années 1970. Rumpler explique que les cobayes passent généralement entre 24 et 48 heures à l’intérieur du calorimètre, soumis à un programme très précis. Une feuille collée à la porte détaille le protocole de la dernière étude :
18h00 à 18h45 – Dîner.
23h00 – Coucher, extinction obligatoire des feux.
23h00 à 6h30 – Repos. Rester au lit même sans dormir.
Entre les repas, les tests sanguins et les passages aux toilettes, les cobayes doivent marcher sur le tapis roulant à une vitesse de 5km/h pendant 30 minutes. Le reste de la journée est consacré à des « activités de faible intensité », selon Rumpler. « Nous encourageons les gens à apporter de quoi tricoter ou bouquiner, dit-il. Si vous laissez les gens faire ce qu’ils veulent, vous seriez curieux de voir ce qu’ils font dans la chambre. » Il raconte le cas d’un sujet particulièrement récalcitrant qui avait réussi à faire rentrer un paquet de M&Ms, mais s’était trahi en les faisant tomber sur le sol.
Grâce à une batterie d’écrans situés juste en dehors des chambres, Rumpler peut savoir exactement combien de calories chaque sujet brûle à n’importe quel moment. Au fil des ans, lui et ses collègues ont agrégé ces résultats individuels pour bâtir des ordres de grandeur : combien de calories une femme de 55 kilos brûle en courant à 7 km/h, par exemple, ou le nombre de calories dont un homme sédentaire de 60 ans a besoin chaque jour. Ce sont ces moyennes, issues de milliers de mesures extrêmement précises, qui indiquent à Bo quelle distance il est censé parcourir quotidiennement et à Tara combien de calories elle doit consommer en fonction de sa taille et de son poids.
alors je partage car il me semble complet (et super intéressent pour ma part).
!Attention C'est un peu long.
1ère partie)
Bo Nash a 38 ans. Il vit à Arlington, au Texas, où il est cadre chez un éditeur de manuels scolaires. Il mesure 1,80m et pèse 111 kilos, ce qui signifie qu’il est techniquement obèse.
Afin de perdre du poids, Bo utilise une application qui compte les calories qu’il ingère, et un bracelet Fitbit qui mesure l’énergie qu’il dépense. Ces outils semblent a priori assez précis : Bo peut ainsi connaître les calories contenus dans chaque biscuit qu’il avale, et celles qu’il brûle en montant les escaliers. Mais en termes de poids, il s’est aperçu que toutes les calories ne se valaient pas. Ses prises ou pertes de poids semblent moins dépendre du nombre total de calories que de leur nature, de leur provenance ou de la manière dont il les ingère. L’unité d’énergie, dit-il est « extrêmement vague. »
Tara Haelle est elle aussi obèse. Elle a accouché de son deuxième enfant le jour de la Saint Patrick en 2014, et elle n’a jamais réussi à reperdre les 30 kilos qu’elle avait pris pendant sa grossesse. Tara est journaliste scientifique freelance, et vit dans l’Illinois. Elle comprend comment fonctionne, en théorie, la perte de poids, mais à l’instar de Bo, elle ne voit pas la théorie se traduire en pratique. « Mathématiquement et scientifiquement, tout cela est assez logique : ce que vous absorbez, en termes de calories, ne doit pas excéder ce que vous dépensez. Mais on dirait bien que ça ne marche pas vraiment comme ça », dit-elle.
Notre foi aveugle en cette unité de mesure apparemment simple nous empêche peut-être bien de lutter efficacement contre l’obésité
Bo et Tara ne sont pas vraiment des exceptions : plus de deux tiers des Américains adultes sont en surpoids ou obèses. Pour la plupart d’entre eux, la solution, c’est le régime : un tiers des Américains s’y soumettent. Pourtant, tout indique que les régimes aboutissement rarement à une perte de poids durable. Et cela coûte cher. Cette incapacité à faire baisser le taux d’obésité coûte aux Etats-Unis plus de 147 milliards de dollars en soins de santé, et 4,3 milliards de dollars en termes d’absentéisme et de baisse de productivité.
Au cœur du problème, une unité de mesure – la calorie – et un peu d’arithmétique élémentaire. « Pour perdre du poids, vous devez brûler plus de calories que vous n’en absorbez », selon le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies. Des personnes au régime comme Bo et Tara pourraient tout à fait manger tous les jours chez McDonald’s et quand même perdre du poids, pour peu qu’elles fassent suffisamment d’exercice, affirme Marion Nestle, professeur de nutrition et de santé publique à l’université de New York. « Vraiment, c’est aussi simple que ça. »
Mais Bo et Tara ne sont pas franchement convaincus que ce soit si simple. Et ce n’est pas qu’une question de self-control individuel. Les chiffres qui apparaissent sur le bracelet Fitbit de Bo ou sur les emballages des produits consommés par Tara n’ont rien de précis. Plus inquiétant : les scientifiques s’aperçoivent que, de plus en plus souvent, les quantités de calories que nous mesurons sont totalement erronées. Une calorie n’est pas juste une calorie. Et notre foi aveugle en cette unité de mesure apparemment simple nous empêche peut-être bien de lutter efficacement contre l’obésité.
Pour mieux comprendre comment on compte les calories, il faut faire un tour dans un quartier de bureaux tout à fait banal au beau milieu du Maryland. C’est là que se trouve le Centre de recherches sur l’alimentation humaine de Beltsville, qui appartient au Département de l’Agriculture des Etats-Unis. Au moment où nous arrivons, les cuisiniers sont en train de préparer le dîner pour les participants d’une étude. Sur chaque plateau de plastique, on trouve du pain de viande, de la purée, du maïs, un peu de pain, un scone aux pépites de chocolat, un yaourt à la vanille et une canette de jus de tomate. Le staff pèse et emballe chaque produit, rajoutant parfois un peu de pain par-ci par-là pour s’assurer que chaque plateau contient exactement autant de calories. « Parfois, on reçoit des compliments pour la nourriture », assure David Baer, un physiologiste du Département chargé de superviser les recherches.
Le travail mené par Baer et ses collègues s’appuie sur des méthodes vieilles de plusieurs siècles. Selon Nestle, les tentatives modernes de comprendre la nourriture et l’énergie remontent à Lavoisier, un chimiste et aristocrate français. Au début des années 1780, Lavoisier avait construit une boîte en métal assez grande pour accueillir un cochon d’Inde. Les parois internes de la boîte étaient couvertes de glace. Lavoisier savait quelle quantité d’énergie était nécessaire pour faire fondre la glace, ce qui lui permettait de déterminer la quantité de chaleur produite par l’animal en mesurant la quantité d’eau qui s’écoulait de la boîte. Hélas, ce que Lavoisier n’avait pas réalisé – et ne peut jamais réaliser, puisqu’il fut guillotiné pendant la Révolution – c’est qu’en mesurant la chaleur émise par les cochons d’Inde, on pouvait aussi estimer la quantité d’énergie qu’ils avaient tirée de leur alimentation.
Jusqu’à récemment, les chercheurs de Beltsville utilisaient une version un peu plus moderne et un peu plus grande de la boîte de Lavoisier pour mesurer l’énergie consommée par les humains : une petite pièce à l’intérieure de laquelle une personne pouvait dormir, manger, faire ses besoins, et marcher sur un tapis roulant, alors que des capteurs installés dans les murs mesuraient la chaleur dégagée et donc les calories brûlées (pour faire simple, une calorie équivaut à la chaleur nécessaire pour faire augmenter d’un degré la température d’un kilogramme d’eau). Aujourd’hui, ces calorimètres à « chaleur directe » ont été remplacés presque partout par des systèmes à « chaleur indirecte », où les capteurs mesurent la consommation d’oxygène et expiration de dioxyde de carbone. Les scientifiques savent quelle quantité d’énergie est utilisée au cours des processus métaboliques dont est issu le dioxyde de carbone que nous expirons, donc ils peuvent par exemple en déduire qu’une personne qui a expiré 15 litres de dioxyde de carbone a consommé 94 calories d’énergie.
Les trois calorimètres indirects que possède le service sont situés au bout du hall qui mène à la cuisine. « En gros, ce sont de simples chambres froides, modifiées pour que des gens puissent y vivre », m’explique le physiologiste William Rumpler alors qu’il nous fait visiter. À l’intérieur de chaque pièce peinte en blanc, on trouve un lit simple collé contre un mur, jouxté d’une cuvette de toilettes, d’un évier, d’un petit bureau pourvu d’une chaise, et un court tapis roulant. Deux sas permettent de faire passer de la nourriture, de l’urine, des excréments ou des échantillons de sang dans les deux sens. Si l’on excepte ces rappels permanents de la fonction de la pièce, elle ressemble à une chambre étudiante des années 1970. Rumpler explique que les cobayes passent généralement entre 24 et 48 heures à l’intérieur du calorimètre, soumis à un programme très précis. Une feuille collée à la porte détaille le protocole de la dernière étude :
18h00 à 18h45 – Dîner.
23h00 – Coucher, extinction obligatoire des feux.
23h00 à 6h30 – Repos. Rester au lit même sans dormir.
Entre les repas, les tests sanguins et les passages aux toilettes, les cobayes doivent marcher sur le tapis roulant à une vitesse de 5km/h pendant 30 minutes. Le reste de la journée est consacré à des « activités de faible intensité », selon Rumpler. « Nous encourageons les gens à apporter de quoi tricoter ou bouquiner, dit-il. Si vous laissez les gens faire ce qu’ils veulent, vous seriez curieux de voir ce qu’ils font dans la chambre. » Il raconte le cas d’un sujet particulièrement récalcitrant qui avait réussi à faire rentrer un paquet de M&Ms, mais s’était trahi en les faisant tomber sur le sol.
Grâce à une batterie d’écrans situés juste en dehors des chambres, Rumpler peut savoir exactement combien de calories chaque sujet brûle à n’importe quel moment. Au fil des ans, lui et ses collègues ont agrégé ces résultats individuels pour bâtir des ordres de grandeur : combien de calories une femme de 55 kilos brûle en courant à 7 km/h, par exemple, ou le nombre de calories dont un homme sédentaire de 60 ans a besoin chaque jour. Ce sont ces moyennes, issues de milliers de mesures extrêmement précises, qui indiquent à Bo quelle distance il est censé parcourir quotidiennement et à Tara combien de calories elle doit consommer en fonction de sa taille et de son poids.