G
guest
Guest
Vis ma vie de chercheur en France
Grâce au coup de gueule de huit grands chercheurs, les coupes budgétaires dans la recherche ont été annulées. Leur situation reste inquiétante. Témoignages.
Il a suffi du coup de gueule de huit grands chercheurs, d'une tribune dénonçant un « suicide scientifique et industriel », pour que le chef de l'État, dans une étonnante volte-face, renonce aux coupes budgétaires annoncées. L'état de la recherche, dans notre pays, n'en reste pas moins extrêmement préoccupant. Des budgets se réduisant comme peau de chagrin, de moins en moins de postes, des salaires souvent misérables, une bureaucratisation infernale, les chercheurs français sont au bord de la crise de nerfs. Ils enragent du retard que prend notre pays sur la scène de la recherche internationale. Et surtout du peu de temps qu'il leur reste pour exercer, simplement, leur métier. Le Point a choisi de leur donner la parole.
Un tiers de mon temps est consacré à trouver de l'argent
F.......P...., 49 ans, biologiste, étudie le trafic intracellulaire. Ses travaux, qui permettent notamment de comprendre les transformations tumorales, ont des implications directes dans la recherche et la lutte contre le cancer. Il est directeur de recherche au CNRS et dirige une équipe à l'Institut Curie.
« J'ai une équipe de 11 personnes. Cela représente 200 000 euros de salaires à payer chaque année et 100 000 euros en dépenses de fonctionnement pour le labo. Or je ne reçois de mes autorités de tutelle que… 35 000 euros annuel. C'est donc à moi d'aller chercher le reste des financements. Un tiers de mon temps est désormais consacré à cela : trouver de l'argent. Ce n'est pourtant pas mon métier, j'ai été recruté pour mes capacités scientifiques, pas pour ça ! Mais comment faire autrement ? Ce sont des salaires, la vie des gens qui travaillent avec moi en dépend. Les sources de financement peuvent être l'ANR (Agence nationale pour la recherche), l'INCA (Institut national du cancer), les associations de lutte contre le cancer, mais aussi les industriels.
Aujourd'hui, je ne vous le cache pas, mon labo est financé à 70 % par les contrats que je passe avec l'industrie. Toute la difficulté est de trouver des projets qui intéressent les industriels et qui nous permettent aussi d'avancer en recherche fondamentale, et 70 % de financement privé, c'est trop, car il faut prendre garde de ne pas se laisser piloter par l'industrie. La recherche académique ne doit en aucun cas devenir prestataire du privé. Mais cela fait trois ans que mes demandes à l'ANR n'ont pas eu de réponse... Encore une fois, comment faire ? Un autre tiers de mon temps est consacré à l'administratif et aux innombrables rapports d'activité que l'on me demande. Cela devient délirant. Je passe ma vie à rédiger des rapports.
Jeune, j’ai fait un post-doc en Suisse. De retour en France, j’ai mis dix-sept ans à retrouver le même salaire
Le plus rageant est que nous ne sommes pas autorisés à faire du report de compte. Autrement dit, ce que j'obtiens comme argent doit être dépensé dans l'année. Je n'ai pas le droit d'économiser et cela oblige à des acrobaties absurdes. Alors que nous travaillons sur une échelle de dix, quinze ans… Mais les gens qui nous gouvernent ne nous font pas confiance… C'est tout le paradoxe : on nous charge de tâches qui ne devraient pas être les nôtres, et en même temps on nous infantilise, ou nous surveille, il y a un manque de respect incroyable pour notre travail.En France, contrairement aux États-Unis, les pouvoirs publics ont une méconnaissance totale du fonctionnement de la recherche. Et puis ce gouvernement a complètement lâché la recherche. Chaque année, nous avons moins d'argent… Mon salaire ? Jeune, j'ai fait un post-doc en Suisse et, de retour en France, j'ai mis dix-sept ans à retrouver le salaire que j'avais là-bas… Mais, comme beaucoup de mes confrères, je ne fais pas ce métier pour l'argent. Si seulement j'avais plus de temps pour l'exercer. Dans tout ça, il n'y a plus qu'un mois par an où je travaille vraiment à la paillasse. C'est dommage, car quand j'y suis, franchement, je ne suis pas trop mauvais… »
Ce temps et cette énergie perdus pour en général ne rien obtenir
Professeur N...... J..., 48 ans, enseignante à Paris-Diderot et chercheuse en biologie fonctionnelle et adaptative.
« J'ai une petite équipe de quatre personnes. Nous travaillons sur les maladies neurodégénératives, en particulier celles associées au chromosome 21. Nous essayons, par exemple, d'isoler des bio-marqueurs qui permettraient de diagnostiquer la maladie d'Alzheimer par simple prise de sang. Aujourd'hui, le diagnostic est fait par imagerie cérébrale, et cela coûte extrêmement cher. Les bio-marqueurs pourraient également permettre d'avoir une idée de l'évolution de la maladie et de l'efficacité éventuelle d'un traitement. Ce serait formidable.
Hélas, depuis une quinzaine d'années, nous avons d'énormes problèmes de financement. Nous n'avons que 15 000 euros annuel de l'État. Sachant que, dans ce domaine, le moindre tube coûte 500 euros, on ne peut évidemment pas tourner avec une telle somme. Je passe donc ma vie à chercher des financements. En ce moment, nous tournons avec 50 000-70 000 euros de ressources privées. Le problème des appels d'offres de l'ANR (Agence nationale pour la recherche), c'est qu'y répondre prend un temps fou, demande énormément de travail. Or il n'y a en moyenne que 8 % de chances de l'emporter. On se demande presque si ça vaut la peine, et nos confrères à l'étranger sont sidérés : ce temps et cette énergie perdus pour en général ne rien obtenir, ou alors des sommes assez dérisoires.
Alors qu’on a tellement investi dans la formation [des étudiants], on ne fait rien pour leur donner envie de rester en France…
Le plus grave, c'est que l'on est obligés de réorienter nos recherches pour mieux cibler les appels d'offres, il y a donc en France des thématiques entières de recherche qui disparaissent purement et simplement. Et puis on nous demande de budgétiser ces projets, mais c'est très difficile… Quand on lance un programme de recherche, par définition, on ne sait pas quels seront les résultats. Si seulement on pouvait avoir des budgets glissant d'une année sur l'autre. Et puis la masse de paperasse... la bureaucratisation devient folle.
Ce qui est terrible, c'est qu'à l'étranger tout le monde trouve les étudiants français formidablement bien formés, ils sont parmi les meilleurs au monde. L'ennui, c'est qu'ils ne veulent plus rester en France. J'ai un très bon étudiant en thèse qui vient de m'annoncer qu'il allait au Canada, et il a raison. De plus en plus choisissent de partir. Alors qu'on a tellement investi dans leur formation, on ne fait rien pour leur donner envie de rester en France… »
MON COUP DE GUEULE
je peux vous certifier que tout est exacte
un responsable d’équipe a l'heure actuelle passe son temps a courir derrière des financements(entre autre des dons)
pour survivre
le formation de nos chercheurs est une des meilleurs au monde
ils sont très recherché comme post-doctorant
après de retour en France,c'est une lutte de tous les jours, sans visibilité souvent pour travailler correctement
Grâce au coup de gueule de huit grands chercheurs, les coupes budgétaires dans la recherche ont été annulées. Leur situation reste inquiétante. Témoignages.
Il a suffi du coup de gueule de huit grands chercheurs, d'une tribune dénonçant un « suicide scientifique et industriel », pour que le chef de l'État, dans une étonnante volte-face, renonce aux coupes budgétaires annoncées. L'état de la recherche, dans notre pays, n'en reste pas moins extrêmement préoccupant. Des budgets se réduisant comme peau de chagrin, de moins en moins de postes, des salaires souvent misérables, une bureaucratisation infernale, les chercheurs français sont au bord de la crise de nerfs. Ils enragent du retard que prend notre pays sur la scène de la recherche internationale. Et surtout du peu de temps qu'il leur reste pour exercer, simplement, leur métier. Le Point a choisi de leur donner la parole.
Un tiers de mon temps est consacré à trouver de l'argent
F.......P...., 49 ans, biologiste, étudie le trafic intracellulaire. Ses travaux, qui permettent notamment de comprendre les transformations tumorales, ont des implications directes dans la recherche et la lutte contre le cancer. Il est directeur de recherche au CNRS et dirige une équipe à l'Institut Curie.
« J'ai une équipe de 11 personnes. Cela représente 200 000 euros de salaires à payer chaque année et 100 000 euros en dépenses de fonctionnement pour le labo. Or je ne reçois de mes autorités de tutelle que… 35 000 euros annuel. C'est donc à moi d'aller chercher le reste des financements. Un tiers de mon temps est désormais consacré à cela : trouver de l'argent. Ce n'est pourtant pas mon métier, j'ai été recruté pour mes capacités scientifiques, pas pour ça ! Mais comment faire autrement ? Ce sont des salaires, la vie des gens qui travaillent avec moi en dépend. Les sources de financement peuvent être l'ANR (Agence nationale pour la recherche), l'INCA (Institut national du cancer), les associations de lutte contre le cancer, mais aussi les industriels.
Aujourd'hui, je ne vous le cache pas, mon labo est financé à 70 % par les contrats que je passe avec l'industrie. Toute la difficulté est de trouver des projets qui intéressent les industriels et qui nous permettent aussi d'avancer en recherche fondamentale, et 70 % de financement privé, c'est trop, car il faut prendre garde de ne pas se laisser piloter par l'industrie. La recherche académique ne doit en aucun cas devenir prestataire du privé. Mais cela fait trois ans que mes demandes à l'ANR n'ont pas eu de réponse... Encore une fois, comment faire ? Un autre tiers de mon temps est consacré à l'administratif et aux innombrables rapports d'activité que l'on me demande. Cela devient délirant. Je passe ma vie à rédiger des rapports.
Jeune, j’ai fait un post-doc en Suisse. De retour en France, j’ai mis dix-sept ans à retrouver le même salaire
Le plus rageant est que nous ne sommes pas autorisés à faire du report de compte. Autrement dit, ce que j'obtiens comme argent doit être dépensé dans l'année. Je n'ai pas le droit d'économiser et cela oblige à des acrobaties absurdes. Alors que nous travaillons sur une échelle de dix, quinze ans… Mais les gens qui nous gouvernent ne nous font pas confiance… C'est tout le paradoxe : on nous charge de tâches qui ne devraient pas être les nôtres, et en même temps on nous infantilise, ou nous surveille, il y a un manque de respect incroyable pour notre travail.En France, contrairement aux États-Unis, les pouvoirs publics ont une méconnaissance totale du fonctionnement de la recherche. Et puis ce gouvernement a complètement lâché la recherche. Chaque année, nous avons moins d'argent… Mon salaire ? Jeune, j'ai fait un post-doc en Suisse et, de retour en France, j'ai mis dix-sept ans à retrouver le salaire que j'avais là-bas… Mais, comme beaucoup de mes confrères, je ne fais pas ce métier pour l'argent. Si seulement j'avais plus de temps pour l'exercer. Dans tout ça, il n'y a plus qu'un mois par an où je travaille vraiment à la paillasse. C'est dommage, car quand j'y suis, franchement, je ne suis pas trop mauvais… »
Ce temps et cette énergie perdus pour en général ne rien obtenir
Professeur N...... J..., 48 ans, enseignante à Paris-Diderot et chercheuse en biologie fonctionnelle et adaptative.
« J'ai une petite équipe de quatre personnes. Nous travaillons sur les maladies neurodégénératives, en particulier celles associées au chromosome 21. Nous essayons, par exemple, d'isoler des bio-marqueurs qui permettraient de diagnostiquer la maladie d'Alzheimer par simple prise de sang. Aujourd'hui, le diagnostic est fait par imagerie cérébrale, et cela coûte extrêmement cher. Les bio-marqueurs pourraient également permettre d'avoir une idée de l'évolution de la maladie et de l'efficacité éventuelle d'un traitement. Ce serait formidable.
Hélas, depuis une quinzaine d'années, nous avons d'énormes problèmes de financement. Nous n'avons que 15 000 euros annuel de l'État. Sachant que, dans ce domaine, le moindre tube coûte 500 euros, on ne peut évidemment pas tourner avec une telle somme. Je passe donc ma vie à chercher des financements. En ce moment, nous tournons avec 50 000-70 000 euros de ressources privées. Le problème des appels d'offres de l'ANR (Agence nationale pour la recherche), c'est qu'y répondre prend un temps fou, demande énormément de travail. Or il n'y a en moyenne que 8 % de chances de l'emporter. On se demande presque si ça vaut la peine, et nos confrères à l'étranger sont sidérés : ce temps et cette énergie perdus pour en général ne rien obtenir, ou alors des sommes assez dérisoires.
Alors qu’on a tellement investi dans la formation [des étudiants], on ne fait rien pour leur donner envie de rester en France…
Le plus grave, c'est que l'on est obligés de réorienter nos recherches pour mieux cibler les appels d'offres, il y a donc en France des thématiques entières de recherche qui disparaissent purement et simplement. Et puis on nous demande de budgétiser ces projets, mais c'est très difficile… Quand on lance un programme de recherche, par définition, on ne sait pas quels seront les résultats. Si seulement on pouvait avoir des budgets glissant d'une année sur l'autre. Et puis la masse de paperasse... la bureaucratisation devient folle.
Ce qui est terrible, c'est qu'à l'étranger tout le monde trouve les étudiants français formidablement bien formés, ils sont parmi les meilleurs au monde. L'ennui, c'est qu'ils ne veulent plus rester en France. J'ai un très bon étudiant en thèse qui vient de m'annoncer qu'il allait au Canada, et il a raison. De plus en plus choisissent de partir. Alors qu'on a tellement investi dans leur formation, on ne fait rien pour leur donner envie de rester en France… »
MON COUP DE GUEULE
je peux vous certifier que tout est exacte
un responsable d’équipe a l'heure actuelle passe son temps a courir derrière des financements(entre autre des dons)
pour survivre
le formation de nos chercheurs est une des meilleurs au monde
ils sont très recherché comme post-doctorant
après de retour en France,c'est une lutte de tous les jours, sans visibilité souvent pour travailler correctement