Salut à tous!
Voici la traduction d'un article de T-Natio sur un sujet que je trouve particulièrement intéressant, à savoir l'influence des bactéries de la flore intestinale sur la santé aussi bien physique que mentale (en gros le fait que l'intestin soit notre deuxième cerveau), super.
Le texte originale, écrit par TC Luoma, est disponible sous le titre "Balance gut bacteria. Get leaner. Get happier".
Bonne lecture (en espérant que la traduction soit suffisamment claire ):
Equilibrer vos bactéries intestinales. Devenez plus sec. Soyez plus heureux.
Que manger et qu’éviter pour une flore intestinale saine.
Vous êtes à 90% non-humain
Votre organisme se compose d’environ 10 trillions de cellules humaines. Mais il héberge également environ 100 trillions de cellules bactériennes. Faites le calcul : vous êtes à 90% non-humain.
Il y a plus de bactéries dans votre corps qu’il n’y a d’humains sur Terre. Il y a même plus de bactéries dans votre corps qu’il n’y a d’étoiles dans la voie lactée. Ensemble, les bactéries de votre organisme regroupent environ 3,000 espèces, représentant un patrimoine d’environ 3 millions de gènes distincts. En comparaison, les quelques 19,000 gènes qui composent le corps humain font pâle figure.
Ces bactéries jouent un rôle important non seulement dans la régulation du système digestif et du système immunitaire, mais également dans vos émotions, votre humeur, votre taux de graisse corporelle, et peut-être même dans la taille de vos testicules.
Ce que nous apprennent les souris nageuses
Le neuroscientifique John Cryan a réalisé une expérience assez bizarre. Il a pris des souris et les a séparées en deux groupes. L’un était le groupe témoin et l’autre fut nourri avec du lactobacillus rhamnus, une bactérie que l’on utilise souvent pour faire du yaourt.
Après quelques semaines, il a mis les souris dans des bols remplis d’eau pour voir quelle serait leur réaction en situation de stress. En effet les rongeurs sont d’excellents nageurs mais ils détestent l’eau : cela les effraie. Les souris du groupe témoin ont tenté par tous les moyens de sortir du bol. Elles ont continué leurs efforts pendant 4 minutes avant d’être épuisées et d’abandonner. Cette attitude est communément appelée « comportement désespéré ».
Qu’en est-il des souris nourries avec les bactéries ? Elles ont également tenté de sortir du bol, mais leurs efforts furent beaucoup moins acharnés. Elles ont continué à nager dans le bol au-delà de la limite des 4 minutes du groupe témoin. Finalement, après 6 minutes, Cryan a sorti les souris détrempées de l’eau.
Vous vous dites sans doute que le yaourt a en quelque sorte conféré une endurance supérieure au groupe test, n’est-ce pas ? Faux. Ce que Cryan a découvert, c’est que les niveaux d’hormones du stress étaient 100 fois supérieurs dans le groupe témoin. Toute cette panique est mauvaise. Vous vous épuisez en quelques minutes, comme ce fut le cas pour les souris du groupe témoin.
Les souris nourries au lactobacillus, au contraire, avaient moitié moins d’hormones de stress dans leur sang. De plus, la répartition de leurs récepteurs GABA présentait des modifications importante, selon un schéma associé à celui d’animaux calmes, non-stressés. Schématiquement, le GABA limite les effets de l’hormone du stress. Il vous permet de vous relaxer, de telle sorte que si l’on vous jette dans un bol rempli d’eau, vous ne paniquez pas : vous n’adoptez pas un comportement désespéré. Ainsi, les souris nourries au lactobacillus ont réagi comme si elles étaient sous Valium.
Alors comment est-il possible que les bactéries qui se trouvaient dans les intestins des souris aient eu un effet relaxant sur leur cerveau ? Cryan s’est posé la même question et a réalisé de nouveau son expérience, mais cette fois-ci, avant de placer les souris dans l’eau, il leur a coupé le nerf pneumogastrique, ce gros nerf crânien qui relie l’abdomen au cerveau.
Les souris nourries au lactobacillus mais avec le nerf pneumogastrique coupé ont alors réagi comme celles du groupe témoin : barbotage effréné, comportement désespéré ! Des cris du genre : « Aide moi, espèce d’enfoiré ! ». Elles ont abandonné au bout d’environ 4 minutes. En fait, il n’y eut aucune réaction positive.
La conclusion de cette expérience est donc que d’une certaine manière, une colonie de bactéries lactobacillus vivant dans l’estomac des souris bonnes nageuses a d’une certaine manière stimulé leur nerf pneumogastrique, en envoyant un signal au cerveau pour qu’il sécrète le GABA à effet sédatif.
Mais cela est-il applicable aux êtres humains ? Les bactéries peuvent-elles modifier la neurochimie humaine, changer la manière dont nous pensons et réagissons en situation de stress, voire plus encore ? Pour faire court, oui, il semble que cela soit possible.
Oubliez le Prozac, passez au Kim-Chi
Une étude comparable à celle de Cryan fut réalisée en France, mais cette fois-ci avec des humains et sans sport nautique. Les sujets tests étaient nourris avec des quantités énormes de deux probiotiques, le lactobacillus et le bifidobacillus.
Après deux semaines, des études psychologiques standards ont révélé que les sujets étaient moins stressés, moins anxieux et moins déprimés. Ces résultats furent confirmés par des analyses de leur taux de cortisol sur 24 heures.
La théorie derrière ces résultats est que cette souche de bactérie a entrainé une sécrétion massive de sérotonine, une hormone calmante qui augmente par exemple après l’ingestion d’aliments riches en glucides. En réalité, le cerveau humain ne contient qu’une infime quantité de sérotonine, 80% des réserves en sérotonine se trouvant dans l’intestin. Donc, sans trop extrapoler, on peut conclure que les bactéries n’ont aucune incidence sur ces réserves.
Suite aux résultats de cette expérience et d’autres, l’Académie Nationale de Sciences a commencé à se demander si les troubles psychologiques ne pourraient pas être traités non plus avec des médicaments, mais avec des yaourts « médicinaux ». Cependant, la « manipulation mentale» n’est que la partie émergée de l’iceberg des processus biologiques influencés par les bactéries.
Probiotiques vs. Pathogènes
Tout le monde connaît le rôle joué par les bactéries dans la digestion – comment elles décomposent les glucides complexes et retiennent le nitrogène dégagé par la décomposition des protéines – et en quoi une grande partie de vos selles se compose de bactéries mortes ou mourantes, mais je ne veux pas m’attarder sur ce point. A la place, partons explorer les spécificités moins connues de ces étranges organismes.
Par exemple, on considère que les « bonnes » bactéries, les probiotiques, sont engagés dans une lutte à mort contre les pathogènes. Elles font cela en endommageant ou tuant ces pathogènes, parfois en sécrétant des substances chimiques, en modifiant le pH de leur environnement, ou en les évinçant.
Via leur action métabolique, ces bonnes bactéries produisent également des nutriments essentiels pour notre système immunitaire tel que certaines vitamines B et la vitamine K. En fait, on pense qu’environ 70% de notre système immunitaire se compose de probiotiques. Même l’appendicite – que l’on croyait être un organe vestige d’un autre temps – semble être un recueil de probiotiques, les libérant en fonction des besoins lors d’infections.
Nombre de maladies qui nous empoisonnent la vie seraient simplement causées par la dysbasie, un déséquilibre entre les probiotiques et les pathogènes. Certaines sont évidentes, telles que le syndrome du côlon irritable ou la maladie de Chron, mais d’autres pathologies moins suspectes, telles que les maladies cardiovasculaires ou le diabète pourraient également être causées ou amplifiées par la dysbasie. La dysbasie pourrait donc être reliée à la quasi-totalité des maladies auto-immunes auxquelles vous pouvez penser, de l’asthme à l’arthrose, jusqu’à la colite ulcéreuse ou au vitiligo.
Il se produit un déséquilibre entre les bactéries, les hormones du stress et d’autres hormones, qui rend la paroi de l’intestin moins imperméable. Cette perméabilité accrue peut ensuite permettre à des intrus de passer dans votre système sanguin, entrainant l’activation de votre système immunitaire et des inflammations localisées ou systémiques.
Les bactéries m’ont rendu obèse
De nombreuses études ont également été menées sur l’effet des bactéries sur notre taux de masse grasse. Le pontage gastrique fut longtemps considéré efficace pour des raisons purement physiques (i.e. moins de calories ingérées du fait d’un estomac plus petit) ; cependant jusqu’à 20% de la perte de poids pourrait être tout simplement la résultante d’un meilleur équilibre bactériologique dans l’intestin.
Des souris ayant subi un pontage gastrique ont perdu du poids, comme prévu. Cependant, lorsque les scientifiques ont transplanté le contenu de leur intestin dans celui des souris du groupe témoin, celles-ci ont également perdu rapidement du poids. Une procédure similaire pourrait également bien fonctionner chez les humains.
Une autre étude menée sur 792 sujets a conclu que les personnes en surpoids hébergeraient un certain type de bactéries pouvant contribuer à la prise de poids en aidant d’autres organismes à digérer certains nutriments, rendant ainsi davantage de calories disponibles. Les scientifiques ont émis l’hypothèse que ce type de bactéries avait pu être utile aux humains il y a quelques milliers d’années, lorsque l’alimentation comprenait beaucoup de fibres et qu’il était donc essentiel d’extraire des aliments toutes les calories possibles.
Les scientifiques pensent également qu’un déséquilibre bactériologique intestinal peut augmenter la résistance à l’insuline et augmenter le stockage du gras dans les adipocytes, en supprimant l’ANGPTL4 (angiopoïétine like 4, une protéine intervenant dans le métabolisme lipidique).
Oui, elles peuvent même jouer sur la taille de vos testicules
Les études sur la corrélation entre bactéries et obésité ont même conduit à la surprenante mais non moins intéressante conclusion que les testicules de souris nourries avec du yaourt aromatisé à la vanille avaient grossies, à tel point qu’elles se pavanaient avec une démarche à la John Wayne.
Il y avait deux groupes de souris : l’un nourris à base de junk food et de yaourt, l’autre à base d’aliments sains et de yaourt. Les testicules du groupe mangeant de la junk food ont grossi de 15%, contre 5% pour celles du groupe avec une diète saine (notez que les testicules du groupe nourris avec de la junk food étaient plus petites au départ, d’où la disparité dans les pourcentages).
Les souris mangeant des aliments sains et du yaourt se reproduisaient également plus rapidement et avaient plus de petits. Enfin, leur pelage était plus brillant et leur densité folliculaire était 10 fois supérieure à celle de souris normales, ne consommant pas de yaourt.
Les résultats seraient-ils les mêmes sur les humains ? Il semble que oui. L’épidémiologiste nutritionnel Jorge Chavarro, de l’Université d’Harvard, a conclu que la consommation de yaourt augmente la qualité du sperme chez les hommes.
Vous n’aimez pas les germes ? Alors vous auriez mieux fait de rester dans l’utérus !
La première et dernière fois que vous avez été stérile – sans aucune bactérie – c’était dans l’utérus de votre mère. Mais ensuite, une fois expulsé brutalement dans le monde réel via le canal génital, vous avez tout simplement été submergé par les bactéries. A noter que l’on estime que les bébés nés par césarienne sont davantage susceptibles de développer certaines allergies, de l’eczéma voire de devenir obèses justement parce qu’ils ne passent pas par la canal génital renfermant des bactéries vitales.
Par la suite, vous avez découvert un monde rempli de micro-organismes. Durant les semaines et les mois qui suivirent, vous avez été porté par une maman et un papa couverts de bactéries, au contact d’un air rempli de bactéries, embrassé par les lèvres couvertes de bactéries de votre tante, léché par une langue de chien pleine de bactéries, et sucé une moquette pleine de bactéries. Tout ceci a joué un rôle dans la constitution de votre propre écosystème bactériologique qui, si vous êtes chanceux, a eu l’occasion de se développer.
Si vous n’êtes pas très chanceux, vos parents étaient surement germophobes, vous avez pris pas mal d’antibiotiques, ou, plus largement, votre flore bactérienne naturelle a croulé sous des tonnes de savons antiseptiques, de désinfectants, de bains de bouches, de chlore et autres médicaments antibactériens.
De manière imagée, votre écosystème bactériologique est la forêt tropicale et vous y avez sciemment donné un accès illimité à toute une troupe de bucherons, d’agriculteurs, de mineurs, d’industriels et de braconniers qui piétinent sans foi ni loi votre système immunitaire, entrainant sans doute ainsi une sévère dysbasie. Dans ce cas là, votre flore bactérienne est sans doute en mauvais état.
Les yaourts et les probiotiques ne sont pas la solution
Ecartons tout de suite une idée reçue. Manger un yaourt tous les jours ne sera pas très utile pour réintroduire de bonnes bactéries dans votre estomac. Il existe des centaines voire des milliers d’espèces de bactéries dans votre estomac, et un yaourt ordinaire n’en contient probablement que deux ou trois.
Maintenant, si vous voulez quand même choisir l’option « yaourt », il faut mieux éviter les marques bourrées de sucres, comme ces yaourts prétendument remplis de bonnes bactéries. Je vous recommande également d’éviter les marques dont les publicités TV mettent en scène des femmes semblant avoir un orgasme dès qu’elles mangent un yaourt. Tournez-vous plutôt vers des produits faits par des bergers à base de lait de yack ou autres, des yaourts fermentés dans un linge fin rempli de bactéries (et je ne plaisante qu’à moitié).
Et voici une nouvelle encore plus démoralisante : souvent, prendre des compléments probiotiques (en gélules, capsules ou liquides) ne fonctionne pas non plus. Aucune étude n’a démontré que les probiotiques issus de suppléments deviennent endogènes.
Cependant, ne me balancez pas tout de suite à la figure les études précédentes sur le yaourt régulant votre humeur et les souris avec de plus grosses testicules. En effet, il semble probable que certaines souches de bactéries, prises à hautes doses et sur une courte période, puissent avoir des vertus médicinales. Mais cela ne signifie toujours pas qu’elles deviennent endogènes.
Une partie du problème vient surement des suppléments eux-mêmes, car ils sont souvent mal conservés. Les capsules et tablettes devraient être réfrigérées, non seulement après que vous les ayez achetées, mais également directement après leur fabrication, pendant leur transport et au magasin. Et il n’y aucun moyen de savoir si cela est réellement le cas.
Si vous choisissez l’option « gélules et capsules », prenez soin de suivre au minimum ces quelques précautions :
Une meilleure alternative : la fermentation
Une meilleure approche consiste à manger des aliments qui sont à la fois des probiotiques et des prébiotiques. Il s’agit d’aliments fermentés qui contiennent et nourrissent des bonnes bactéries.
Je vous l’accorde, la plupart de ces aliments fermentés – comme le yaourt précédemment cité – dépend largement de l’action d’un ou deux micro-organismes (lactobacillus ou bifidobacillus), qui ne représentent qu’une infime fraction des microorganismes que l’on retrouve dans des intestins en bonne santé. Cependant, il semblerait qu’ils puissent créer un environnement propice à la naissance d’autres bactéries.
Mais même dans ce cas, quelques expérimentations s’imposent pour savoir quels aliments fermentés vous sont bénéfiques. Testez chaque jour au moins un aliment de la liste suivante (gardez en tête qu’une portion de choucroute contient environ autant de bactéries que ce que vous pourriez espérer trouver dans une boîte de gélules de probiotiques). :
Si vous achetez l’un de ces aliments, ne les prenez que dans la section réfrigérée de votre supermarché. Autrement, il est probable que la plupart des bactéries soit mortes. Et il vous faudra bien sûr les conserver au réfrigérateur une fois rentré chez vous.
Evitez également de trop les chauffer. Par exemple, beaucoup de gens aime la choucroute grillée. Dommage que le fait de la faire frire tue quasiment toutes les bactéries.
Aliments pour la bonne santé des bactéries intestinales
Les aliments suivants fourniront à vos nouvelles bactéries intestinales tout ce dont elles ont besoins pour se développer, tels que les FOS et l’inuline :
Concernant les GOS, ils s’avèreraient être un prébiotique encore plus puissant que les FOS et l’inuline. Dernièrement, de nombreuses études s’y sont intéressées, concluant qu’ils permettent de réduire drastiquement l’anxiété et la déprime, les deux étant sources d’inflammations.
Les aliments riches en GOS inclus notamment :
Qu’êtes-vous en droit d’attendre ?
Bien, admettons que vous fassiez tout cela. Vous devenez le parent adoptif de trillions de nouvelles bactéries. Comment savoir si cela vous est bénéfique ?
A court terme, vos flatulences devraient diminuer, vous devriez avoir moins de ballonnements, un meilleur aspect cutané, et vos selles devraient être plus « aérodynamiques ».
A long terme, cela devrait permettre de réduire les pathologies auto-immunes que vous pourriez avoir, notamment l’asthme, les allergies cutanées, le syndrome du côlon irritable, l’arthrose, etc. Et cela permettra également sans nul doute de renforcer votre système immunitaire.
Source: https://www.t-nation.com/diet-fat-loss/balance-gut-bacteria-get-leaner-get-happier
Voici la traduction d'un article de T-Natio sur un sujet que je trouve particulièrement intéressant, à savoir l'influence des bactéries de la flore intestinale sur la santé aussi bien physique que mentale (en gros le fait que l'intestin soit notre deuxième cerveau), super.
Le texte originale, écrit par TC Luoma, est disponible sous le titre "Balance gut bacteria. Get leaner. Get happier".
Bonne lecture (en espérant que la traduction soit suffisamment claire ):
Equilibrer vos bactéries intestinales. Devenez plus sec. Soyez plus heureux.
Que manger et qu’éviter pour une flore intestinale saine.
Vous êtes à 90% non-humain
Votre organisme se compose d’environ 10 trillions de cellules humaines. Mais il héberge également environ 100 trillions de cellules bactériennes. Faites le calcul : vous êtes à 90% non-humain.
Il y a plus de bactéries dans votre corps qu’il n’y a d’humains sur Terre. Il y a même plus de bactéries dans votre corps qu’il n’y a d’étoiles dans la voie lactée. Ensemble, les bactéries de votre organisme regroupent environ 3,000 espèces, représentant un patrimoine d’environ 3 millions de gènes distincts. En comparaison, les quelques 19,000 gènes qui composent le corps humain font pâle figure.
Ces bactéries jouent un rôle important non seulement dans la régulation du système digestif et du système immunitaire, mais également dans vos émotions, votre humeur, votre taux de graisse corporelle, et peut-être même dans la taille de vos testicules.
Ce que nous apprennent les souris nageuses
Le neuroscientifique John Cryan a réalisé une expérience assez bizarre. Il a pris des souris et les a séparées en deux groupes. L’un était le groupe témoin et l’autre fut nourri avec du lactobacillus rhamnus, une bactérie que l’on utilise souvent pour faire du yaourt.
Après quelques semaines, il a mis les souris dans des bols remplis d’eau pour voir quelle serait leur réaction en situation de stress. En effet les rongeurs sont d’excellents nageurs mais ils détestent l’eau : cela les effraie. Les souris du groupe témoin ont tenté par tous les moyens de sortir du bol. Elles ont continué leurs efforts pendant 4 minutes avant d’être épuisées et d’abandonner. Cette attitude est communément appelée « comportement désespéré ».
Qu’en est-il des souris nourries avec les bactéries ? Elles ont également tenté de sortir du bol, mais leurs efforts furent beaucoup moins acharnés. Elles ont continué à nager dans le bol au-delà de la limite des 4 minutes du groupe témoin. Finalement, après 6 minutes, Cryan a sorti les souris détrempées de l’eau.
Vous vous dites sans doute que le yaourt a en quelque sorte conféré une endurance supérieure au groupe test, n’est-ce pas ? Faux. Ce que Cryan a découvert, c’est que les niveaux d’hormones du stress étaient 100 fois supérieurs dans le groupe témoin. Toute cette panique est mauvaise. Vous vous épuisez en quelques minutes, comme ce fut le cas pour les souris du groupe témoin.
Les souris nourries au lactobacillus, au contraire, avaient moitié moins d’hormones de stress dans leur sang. De plus, la répartition de leurs récepteurs GABA présentait des modifications importante, selon un schéma associé à celui d’animaux calmes, non-stressés. Schématiquement, le GABA limite les effets de l’hormone du stress. Il vous permet de vous relaxer, de telle sorte que si l’on vous jette dans un bol rempli d’eau, vous ne paniquez pas : vous n’adoptez pas un comportement désespéré. Ainsi, les souris nourries au lactobacillus ont réagi comme si elles étaient sous Valium.
Alors comment est-il possible que les bactéries qui se trouvaient dans les intestins des souris aient eu un effet relaxant sur leur cerveau ? Cryan s’est posé la même question et a réalisé de nouveau son expérience, mais cette fois-ci, avant de placer les souris dans l’eau, il leur a coupé le nerf pneumogastrique, ce gros nerf crânien qui relie l’abdomen au cerveau.
Les souris nourries au lactobacillus mais avec le nerf pneumogastrique coupé ont alors réagi comme celles du groupe témoin : barbotage effréné, comportement désespéré ! Des cris du genre : « Aide moi, espèce d’enfoiré ! ». Elles ont abandonné au bout d’environ 4 minutes. En fait, il n’y eut aucune réaction positive.
La conclusion de cette expérience est donc que d’une certaine manière, une colonie de bactéries lactobacillus vivant dans l’estomac des souris bonnes nageuses a d’une certaine manière stimulé leur nerf pneumogastrique, en envoyant un signal au cerveau pour qu’il sécrète le GABA à effet sédatif.
Mais cela est-il applicable aux êtres humains ? Les bactéries peuvent-elles modifier la neurochimie humaine, changer la manière dont nous pensons et réagissons en situation de stress, voire plus encore ? Pour faire court, oui, il semble que cela soit possible.
Oubliez le Prozac, passez au Kim-Chi
Une étude comparable à celle de Cryan fut réalisée en France, mais cette fois-ci avec des humains et sans sport nautique. Les sujets tests étaient nourris avec des quantités énormes de deux probiotiques, le lactobacillus et le bifidobacillus.
Après deux semaines, des études psychologiques standards ont révélé que les sujets étaient moins stressés, moins anxieux et moins déprimés. Ces résultats furent confirmés par des analyses de leur taux de cortisol sur 24 heures.
La théorie derrière ces résultats est que cette souche de bactérie a entrainé une sécrétion massive de sérotonine, une hormone calmante qui augmente par exemple après l’ingestion d’aliments riches en glucides. En réalité, le cerveau humain ne contient qu’une infime quantité de sérotonine, 80% des réserves en sérotonine se trouvant dans l’intestin. Donc, sans trop extrapoler, on peut conclure que les bactéries n’ont aucune incidence sur ces réserves.
Suite aux résultats de cette expérience et d’autres, l’Académie Nationale de Sciences a commencé à se demander si les troubles psychologiques ne pourraient pas être traités non plus avec des médicaments, mais avec des yaourts « médicinaux ». Cependant, la « manipulation mentale» n’est que la partie émergée de l’iceberg des processus biologiques influencés par les bactéries.
Probiotiques vs. Pathogènes
Tout le monde connaît le rôle joué par les bactéries dans la digestion – comment elles décomposent les glucides complexes et retiennent le nitrogène dégagé par la décomposition des protéines – et en quoi une grande partie de vos selles se compose de bactéries mortes ou mourantes, mais je ne veux pas m’attarder sur ce point. A la place, partons explorer les spécificités moins connues de ces étranges organismes.
Par exemple, on considère que les « bonnes » bactéries, les probiotiques, sont engagés dans une lutte à mort contre les pathogènes. Elles font cela en endommageant ou tuant ces pathogènes, parfois en sécrétant des substances chimiques, en modifiant le pH de leur environnement, ou en les évinçant.
Via leur action métabolique, ces bonnes bactéries produisent également des nutriments essentiels pour notre système immunitaire tel que certaines vitamines B et la vitamine K. En fait, on pense qu’environ 70% de notre système immunitaire se compose de probiotiques. Même l’appendicite – que l’on croyait être un organe vestige d’un autre temps – semble être un recueil de probiotiques, les libérant en fonction des besoins lors d’infections.
Nombre de maladies qui nous empoisonnent la vie seraient simplement causées par la dysbasie, un déséquilibre entre les probiotiques et les pathogènes. Certaines sont évidentes, telles que le syndrome du côlon irritable ou la maladie de Chron, mais d’autres pathologies moins suspectes, telles que les maladies cardiovasculaires ou le diabète pourraient également être causées ou amplifiées par la dysbasie. La dysbasie pourrait donc être reliée à la quasi-totalité des maladies auto-immunes auxquelles vous pouvez penser, de l’asthme à l’arthrose, jusqu’à la colite ulcéreuse ou au vitiligo.
Il se produit un déséquilibre entre les bactéries, les hormones du stress et d’autres hormones, qui rend la paroi de l’intestin moins imperméable. Cette perméabilité accrue peut ensuite permettre à des intrus de passer dans votre système sanguin, entrainant l’activation de votre système immunitaire et des inflammations localisées ou systémiques.
Les bactéries m’ont rendu obèse
De nombreuses études ont également été menées sur l’effet des bactéries sur notre taux de masse grasse. Le pontage gastrique fut longtemps considéré efficace pour des raisons purement physiques (i.e. moins de calories ingérées du fait d’un estomac plus petit) ; cependant jusqu’à 20% de la perte de poids pourrait être tout simplement la résultante d’un meilleur équilibre bactériologique dans l’intestin.
Des souris ayant subi un pontage gastrique ont perdu du poids, comme prévu. Cependant, lorsque les scientifiques ont transplanté le contenu de leur intestin dans celui des souris du groupe témoin, celles-ci ont également perdu rapidement du poids. Une procédure similaire pourrait également bien fonctionner chez les humains.
Une autre étude menée sur 792 sujets a conclu que les personnes en surpoids hébergeraient un certain type de bactéries pouvant contribuer à la prise de poids en aidant d’autres organismes à digérer certains nutriments, rendant ainsi davantage de calories disponibles. Les scientifiques ont émis l’hypothèse que ce type de bactéries avait pu être utile aux humains il y a quelques milliers d’années, lorsque l’alimentation comprenait beaucoup de fibres et qu’il était donc essentiel d’extraire des aliments toutes les calories possibles.
Les scientifiques pensent également qu’un déséquilibre bactériologique intestinal peut augmenter la résistance à l’insuline et augmenter le stockage du gras dans les adipocytes, en supprimant l’ANGPTL4 (angiopoïétine like 4, une protéine intervenant dans le métabolisme lipidique).
Oui, elles peuvent même jouer sur la taille de vos testicules
Les études sur la corrélation entre bactéries et obésité ont même conduit à la surprenante mais non moins intéressante conclusion que les testicules de souris nourries avec du yaourt aromatisé à la vanille avaient grossies, à tel point qu’elles se pavanaient avec une démarche à la John Wayne.
Il y avait deux groupes de souris : l’un nourris à base de junk food et de yaourt, l’autre à base d’aliments sains et de yaourt. Les testicules du groupe mangeant de la junk food ont grossi de 15%, contre 5% pour celles du groupe avec une diète saine (notez que les testicules du groupe nourris avec de la junk food étaient plus petites au départ, d’où la disparité dans les pourcentages).
Les souris mangeant des aliments sains et du yaourt se reproduisaient également plus rapidement et avaient plus de petits. Enfin, leur pelage était plus brillant et leur densité folliculaire était 10 fois supérieure à celle de souris normales, ne consommant pas de yaourt.
Les résultats seraient-ils les mêmes sur les humains ? Il semble que oui. L’épidémiologiste nutritionnel Jorge Chavarro, de l’Université d’Harvard, a conclu que la consommation de yaourt augmente la qualité du sperme chez les hommes.
Vous n’aimez pas les germes ? Alors vous auriez mieux fait de rester dans l’utérus !
La première et dernière fois que vous avez été stérile – sans aucune bactérie – c’était dans l’utérus de votre mère. Mais ensuite, une fois expulsé brutalement dans le monde réel via le canal génital, vous avez tout simplement été submergé par les bactéries. A noter que l’on estime que les bébés nés par césarienne sont davantage susceptibles de développer certaines allergies, de l’eczéma voire de devenir obèses justement parce qu’ils ne passent pas par la canal génital renfermant des bactéries vitales.
Par la suite, vous avez découvert un monde rempli de micro-organismes. Durant les semaines et les mois qui suivirent, vous avez été porté par une maman et un papa couverts de bactéries, au contact d’un air rempli de bactéries, embrassé par les lèvres couvertes de bactéries de votre tante, léché par une langue de chien pleine de bactéries, et sucé une moquette pleine de bactéries. Tout ceci a joué un rôle dans la constitution de votre propre écosystème bactériologique qui, si vous êtes chanceux, a eu l’occasion de se développer.
Si vous n’êtes pas très chanceux, vos parents étaient surement germophobes, vous avez pris pas mal d’antibiotiques, ou, plus largement, votre flore bactérienne naturelle a croulé sous des tonnes de savons antiseptiques, de désinfectants, de bains de bouches, de chlore et autres médicaments antibactériens.
De manière imagée, votre écosystème bactériologique est la forêt tropicale et vous y avez sciemment donné un accès illimité à toute une troupe de bucherons, d’agriculteurs, de mineurs, d’industriels et de braconniers qui piétinent sans foi ni loi votre système immunitaire, entrainant sans doute ainsi une sévère dysbasie. Dans ce cas là, votre flore bactérienne est sans doute en mauvais état.
Les yaourts et les probiotiques ne sont pas la solution
Ecartons tout de suite une idée reçue. Manger un yaourt tous les jours ne sera pas très utile pour réintroduire de bonnes bactéries dans votre estomac. Il existe des centaines voire des milliers d’espèces de bactéries dans votre estomac, et un yaourt ordinaire n’en contient probablement que deux ou trois.
Maintenant, si vous voulez quand même choisir l’option « yaourt », il faut mieux éviter les marques bourrées de sucres, comme ces yaourts prétendument remplis de bonnes bactéries. Je vous recommande également d’éviter les marques dont les publicités TV mettent en scène des femmes semblant avoir un orgasme dès qu’elles mangent un yaourt. Tournez-vous plutôt vers des produits faits par des bergers à base de lait de yack ou autres, des yaourts fermentés dans un linge fin rempli de bactéries (et je ne plaisante qu’à moitié).
Et voici une nouvelle encore plus démoralisante : souvent, prendre des compléments probiotiques (en gélules, capsules ou liquides) ne fonctionne pas non plus. Aucune étude n’a démontré que les probiotiques issus de suppléments deviennent endogènes.
Cependant, ne me balancez pas tout de suite à la figure les études précédentes sur le yaourt régulant votre humeur et les souris avec de plus grosses testicules. En effet, il semble probable que certaines souches de bactéries, prises à hautes doses et sur une courte période, puissent avoir des vertus médicinales. Mais cela ne signifie toujours pas qu’elles deviennent endogènes.
Une partie du problème vient surement des suppléments eux-mêmes, car ils sont souvent mal conservés. Les capsules et tablettes devraient être réfrigérées, non seulement après que vous les ayez achetées, mais également directement après leur fabrication, pendant leur transport et au magasin. Et il n’y aucun moyen de savoir si cela est réellement le cas.
Si vous choisissez l’option « gélules et capsules », prenez soin de suivre au minimum ces quelques précautions :
- Les quantités de bactéries doivent être listées en UFC (unités formant colonie) en non en milligrammes.
- Les produit doit être réfrigéré, quoi qu’en dise l’étiquette.
- Le produit doit être encapsulé dans un agent protecteur comme de l’huile, une quelconque substance nutritive, une coque ou un comprimé pelliculé.
Une meilleure alternative : la fermentation
Une meilleure approche consiste à manger des aliments qui sont à la fois des probiotiques et des prébiotiques. Il s’agit d’aliments fermentés qui contiennent et nourrissent des bonnes bactéries.
Je vous l’accorde, la plupart de ces aliments fermentés – comme le yaourt précédemment cité – dépend largement de l’action d’un ou deux micro-organismes (lactobacillus ou bifidobacillus), qui ne représentent qu’une infime fraction des microorganismes que l’on retrouve dans des intestins en bonne santé. Cependant, il semblerait qu’ils puissent créer un environnement propice à la naissance d’autres bactéries.
Mais même dans ce cas, quelques expérimentations s’imposent pour savoir quels aliments fermentés vous sont bénéfiques. Testez chaque jour au moins un aliment de la liste suivante (gardez en tête qu’une portion de choucroute contient environ autant de bactéries que ce que vous pourriez espérer trouver dans une boîte de gélules de probiotiques). :
- Kim-Chi
- Kombucha (culture de bactéries et de levure infusée sous forme de thé)
- Miso
- Umeboshi (pruneaux marinés et fermentés originaires du Japon)
- Choucroute
- Tempeh (graines de soja fermentées)
- Cornichons fermentés
Si vous achetez l’un de ces aliments, ne les prenez que dans la section réfrigérée de votre supermarché. Autrement, il est probable que la plupart des bactéries soit mortes. Et il vous faudra bien sûr les conserver au réfrigérateur une fois rentré chez vous.
Evitez également de trop les chauffer. Par exemple, beaucoup de gens aime la choucroute grillée. Dommage que le fait de la faire frire tue quasiment toutes les bactéries.
Aliments pour la bonne santé des bactéries intestinales
Les aliments suivants fourniront à vos nouvelles bactéries intestinales tout ce dont elles ont besoins pour se développer, tels que les FOS et l’inuline :
- Oignon
- Ail
- Lait
- Bananes
- Blé
- Flocons d’avoine
- Artichaut
- Asperges
- Poireau
- Chicoré
Concernant les GOS, ils s’avèreraient être un prébiotique encore plus puissant que les FOS et l’inuline. Dernièrement, de nombreuses études s’y sont intéressées, concluant qu’ils permettent de réduire drastiquement l’anxiété et la déprime, les deux étant sources d’inflammations.
Les aliments riches en GOS inclus notamment :
- Lentilles
- Pois chiches/Humus
- Petits pois
- Haricots de Lima
- Haricots rouges
Qu’êtes-vous en droit d’attendre ?
Bien, admettons que vous fassiez tout cela. Vous devenez le parent adoptif de trillions de nouvelles bactéries. Comment savoir si cela vous est bénéfique ?
A court terme, vos flatulences devraient diminuer, vous devriez avoir moins de ballonnements, un meilleur aspect cutané, et vos selles devraient être plus « aérodynamiques ».
A long terme, cela devrait permettre de réduire les pathologies auto-immunes que vous pourriez avoir, notamment l’asthme, les allergies cutanées, le syndrome du côlon irritable, l’arthrose, etc. Et cela permettra également sans nul doute de renforcer votre système immunitaire.
Source: https://www.t-nation.com/diet-fat-loss/balance-gut-bacteria-get-leaner-get-happier